Professeur Boris Babine, expert de la Crimée

En décembre 2022, la propagande des occupants russes a annoncé l’arrivée illégale en Crimée d’une délégation de compatriotes de la France, à savoir du comte Serguei Kapniste et du noble héréditaire Mikhail Vinogradov dont les proches avaient autrefois la chance d’être fusillés par les «jeunes autorités soviétiques» près de la ville de Soudak.

Tandis que ces personnes servaient de toile de fond aux soi-disants «heureux Criméens», le Kremlin produisait des faux sur le «lien inextricable» et «le destin d’être russe pour toujours». Bien sûr, on pourrait dire qu’aucun des hommes politiques et des personnalités publiques français ne risquerait de se rendre pénalement en Crimée occupée par les Russes, même pour recevoir une assistance matérielle importante.

Mais on peut aussi se poser les questions : y a-t-il une différence entre le caveau d’exécution en Crimée et le cimetière français où de nombreux émigrés russes terminaient leur vie ? cette différence existe-t-elle même pour ce « monde russe », qui selon les déclarations criminelles du Kremlin est important.

Près de la ville de Sébastopol, il y a des cimetières français où sont enterrés les victimes de la guerre de l’Est, mais il serait étrange d’entendre des déclarations à ce sujet de la part des autorités de la Ve République sur le soi-disant «lien inséparable» et sur la «péninsule française».
Le «chaînon manquant» de ces faux algorithmes du « monde russe » était que tous les groupes de colonistes européens autorisés à «développer la péninsule» par les autocrates russes il y a cent ou deux cents ans ont disparu sans laisser des traces dans le creuset du régime communiste. Il restait seulement des églises rurales détruites et des pierres tombales abandonnées.

Et maintenant, sur la péninsule des officiers réguliers russes ont été nommés par ordonnance du Kremlin de jouer le rôle des représentants russes qui peuvent correspondre avec des «frères de sang européens» pour la recherche d’un «maillon faible».

Il s’agit du fait que les occupants russes détruisent en Crimée des temples antiques et médiévaux, comme l’église de Sébastopol, l’église grecque d’Evpatoria.

Rappelons-nous encore que la population chrétienne indigène de la péninsule a été exculsée de la mer d’Azov il y a deux cent cinquante ans par les «maîtres russes nouvellement créés», détruisant à jamais les anciennes métropoles Goth et Kafa. Aujourd’hui leurs descendants survivants, qui ont préservé leur langue et leur culture, ont péri sous les bombardements des envahisseurs russes dans la ville de Marioupol.

D’autres peuples indigènes de la Crimée ont également pleinement ressenti les «charmes » de l’impérialisme russe. Après que des centaines de milliers de Tatars de Crimée ont fui vers la Turquie à cause du racisme des fonctionnaires impériaux russes au XIXe siècle, et après que des centaines de milliers de leurs compatriotes qui ont survécu en Crimée ont été déportés en Asie centrale par le régime stalinien, les restes des Tatars de Crimée devaient quitter leurs maisons à cause de l’occupation russe d’aujourd’hui. Il est question pour qui et pour quel but les « descendants » actuels des généraux tsaristes et des commissaires soviétiques tentent d’organiser à Moscou des «réunions des compatriotes des Tatars de Crimée» ?

Plus d’un million de descendants des anciens émigrés de la Crimée vivent toujours en Turquie, en représentant une force sociale et politique puissante, mais ils ne désirent pas communiquer avec le Kremlin.

Les «racines historiques» tragi-comiques des occupants russes sont illusoires. Les « descendants » actuels des commissaires soviétiques en prétendant que les villes de la Crimée sont «anciennes villes de la Russie» ne prennent pas la peine d’expliquer la liaison des rois du Bosphore, des kagans de Tmutarakan et des khans de Crimée avec le Moscou d’aujourd’hui.

Pourquoi alors ne pas trouver les liaisons avec Paris ? Après tout, dans le Palais de Khan de Bakhchisaray en Crimée, incendié par les « libérateurs russes » on avait même réussi à l’époque soviétique à mettre en scène plusieurs pièces de Molière.

Le fait intéressant est que depuis l’été 2022 les collaborateurs de la Crimée ont commencé à parler violemment et beaucoup du colonialisme. Certes, pour une raison quelconque, ils s’inquiètent exclusivement du colonialisme français, et non de quelques exemples historiques, mais fondamentalement de quelque chose de moderne et de souhaitable – plus proche aux gisements africains de diamants et de minerais d’uranium.

Bien sûr que le colonialisme est un mauvais fait, tout comme l’alcoolisme est mauvais, surtout pour ceux qui ne se considèrent pas comme des alcooliques. Pour une raison quelconque la Russie refuse de se reconnaître comme colonisateur, alors qu’il y a cent ans, personne à Moscou et à Saint-Pétersbourg n’avait honte d’un tel terme y compris en ce qui concerne la Crimée.

Le «partage de l’héritage» de l’Empire ottoman était alors considéré comme une sorte du «sport européen», mais la France, par exemple, avait depuis longtemps quitté la Syrie, comme les Britanniques sont partis de l’Égypte. Moscou non seulement ne veut partir nulle part, mais revendique également de fausses « racines historiques ». Le Kremlin tente criminellement de « galvaniser » les douleurs fantômes de son empire à Minsk, Donetsk, Simferopol, Batoumi et Lankaran, Achgabat et Alma-Ata.

En même temps, Moscou a décidé de faire revivre l’image littéraire de «l’homme blanc», en revenant à la mythologie de Staline et du tsar russe Ivan le Terrible, non seulement sur l’image du «grand peuple russe», mais aussi sur son certain «choix de Dieu».

Et maintenant en Crimée on se souvient de la théorie que les Russes étaient destinés à devenir une «civilisation séparée», «supérieure» à celle de l’Europe.

Je me suis toujours demandé pourquoi de telles idées sont reconnues comme criminelles par les pays civilisés, mais les déclarations des idéologues du «monde russe» ne le sont pas encore.
Il y a un an que Poutine, cynique et « athée dévot », a soudainement joué « de la colère et de l’étonnement » lorsque l’Ukraine avait refusé de reconnaître dans une loi distincte les Russes comme le peuple supérieur par rapport aux Ukrainiens.

Le fait est que quelqu’un à Kyiv a «osé» assimiler les Russes, aux Hongrois ou aux Roumains, par exemple, les mêmes minorités nationales dans le cadre des normes du Conseil de l’Europe. Les Russes, selon le Kremlin, ne peuvent en aucun cas et nulle part être une minorité.

Et, comme on le sait, le mot même de «minorité» est considéré à Moscou comme une insulte mortelle à l’égard des Russes.

La capacité de devenir une majorité par le génocide est une tâche assez courante pour Moscou impérial, mais il y a un «petit problème»: dans le monde moderne, cela doit être justifié d’une manière ou d’une autre.

Il est criminel de dire à la manière des «mesureurs des crânes» du Troisième Reich qu’«il n’y a pas d’Ukrainiens, mais il y a des Russes sous les nazis» et qu’«il n’y a pas de Tatars de Crimée, mais il y a des Tatars qui sont venus en Crimée de loin ». Cela ne fonctionnera évidemment pas. Mais cela ne s’additionne pas avec des histoires russes et des historiens du Kremlin.

Bien entendu, tout État qui se respecte sait comment placer correctement des accents dans sa propre histoire et respecter les poètes et les philosophes qui peuvent créer des mythes.
Les occupants russes propose pour les masses de compter une véritable histoire de la Crimée à partir de 1945 et, de préférence, dans le cadre de la vie des «saints martyrs soviétiques».

Le « gouvernement » factice et criminel de la Crimée déclare « l’abandon des pseudo-valeurs libérales » telles que « la démocratie et les droits de l’homme ». Les marionettes russes disent que la Russie « n’a jamais été et ne sera jamais l’Europe».

Certes, pour une raison quelconque, ils s’inquiètent exclusivement du colonialisme français, et non de quelques exemples historiques, mais fondamentalement de quelque chose de moderne et souhaitable – plus proche des gisements africains de diamants et de minerais d’uranium.

Bien sûr, le colonialisme est mauvais, tout comme l’alcoolisme est mauvais, surtout pour ceux qui ne se considèrent pas comme des alcooliques. Pour une raison quelconque, la Russie refuse de se reconnaître comme colonisateur, alors qu’il y a cent ans, personne à Moscou et à Saint-Pétersbourg n’avait honte d’un tel terme, y compris en ce qui concerne la Crimée.

Le «credo» du «monde russe» non seulement nie l’histoire, s’il ne s’agit pas des «victoires des armes russes», souvent mythiques, non seulement rejette le fait même du colonialisme moscovite séculaire, mais aussi criminellement « justifie » le génocide des Ukrainiens, des Tatars de Crimée et des autres victimes de ce même colonialisme.

Et non seulement «justifie», mais tente également de répéter criminellement : le Kremlin déclare le génocide des Ukrainiens et bombarde délibérément les centrales électriques et les chaufferies dans les villes en hiver.

A la suite de la déportation soviétique des Tatars de Crimée, leurs descendants, qui sont retournés en Crimée sous les autorités ukrainiennes, sont criminellement poussés à mourir en tant que «chair à canon» par les occupants russes.

En novembre 2022, le Conseil de l’Europe a reconnu la Russie comme État terroriste. Le Parlement européen, dans sa résolution du 15 décembre, a directement dit que la manipulation de l’histoire pour le régime du Kremlin était devenue «un outil pour sa survie».
Cependant, jusqu’à présent, nous ne parlons pas seulement de «survie», mais aussi du révisionnisme criminel des Russes.

La seule question est de savoir où, qui et comment érigera une barrière à un révisionnisme à si grande échelle des nazis russes modernes. Et si quelqu’un à Marseille ou à Nantes pense que la terreur et le nazisme du «monde russe» sont loin de lui, alors il se trompe profondément.

Les « héréditaires de Crimée » et les « compatriotes professionnels » tels que Kapniste et Vinogradov, brandissant de tout nouveaux « passeports russes » devant la caméra des propagandistes du Kremlin, pourront dissiper de manière criminelle, rapide et réaliste cette illusion de sécurité.